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Un souper fin au temps de Louis XIV
Philippe d’Orléans, devenu Régent de France, à la mort de Louis XIV, mérite un grand coup de chapeau dans le cadre de la Fabuleuse histoire de la cuisine française. Plus gourmet que gourmand, il élève la cuisine au plus au point de raffinement. Il cultive et régale ses amis dans des guinguettes des bords de Seine où il cuisine lui-même les matelotes et dans » des endroits faits exprès de plain-pied avec les ustensiles tout en argent », il prépare des dindes truffées et met dans ses sauces quelques verres de vin de Champagne dont il raffole ainsi que des essences de champignons ou de jambon.
Voilà bien le trait de génie. Il sera codifié et complété par un maître-cuisinier, Marin, lequel par la plume de deux pères jésuites, publie » Les dons de Comus » ou » Les délices de la table », dont la préface précise :
« L’ancienne cuisine était fort compliquée et d’un détail infini. La cuisine moderne est une espèce de chimie. La science du cuisinier consiste à décomposer, à faire digérer et à quintessencier les viandes et à tirer des sucs nourrissants et pourtant légers, à les mêler et à les confondre ensemble de façon que rien ne domine et que tout se fasse sentir ».
« Petits pâtés tout chauds » ( Cris de Paris )
La révolution culinaire est marquée par l’apparition des « grands fonds ». Ce sont des sucs de viande obtenus en faisant bouillir longuement les viandes dans très peu de bouillon. Employés avec discernement, ces fonds apportent aux sauces leur fumet, tandis que la viande qu’ils accompagnent garde toute sa saveur.
Pour Claude Terrail, dans « Ma Tour d’argent », Marin est le créateur de la haute cuisine :
» Les vrais secrets de la gastronomie sont là, explique-t-il : dans ces jus lentement exprimés, dans ces glaces de viande, poissons, gibiers, qu’on fait réduire pendant des heures, en les passant vingt fois au chinois, où qu’on sature au jambon, au foie de canard, à la truffe, et que vous ne verrez jamais sur votre assiette, car on ne les emploie qu’à mouiller, à corser, à nuancer la sauce qui nappe votre filet de sole ou votre pièce de boeuf. Sait-on que, pour huit filets de sole Sully – une entrée pour quatre personnes – quinze kilos de poisson sont nécessaires pour préparer un fumet concentré qui ne servira qu’à parfumer le court-bouillon ou les filets pocheront dix minutes à peine? »
Un cafetier de Paris en 1754 (d’après Boucher)
Marin, cuisiner de Madame de Gessner, puis maître d’hôtel du Maréchal de Soubise enseigne à dorer les viandes, puis à « déglacer » avec le fond approprié et à parfaire la sauce à l’aide d’essences de champignons, de jambon ou de vin : vin d’Espagne ou du Rhin. Bourgogne et bien sûr, Champagne. Les sauces et bouillons concentrés, dont on trouve aujourd’hui grande variété, doivent leur naissance à ce double parrainage, celui du cuisinier Marin et du Régent Philippe d’Orléans.
Louis XV, la Reine, les favorites et tous les grands mettront un point d’honneur à préparer, à servir et souvent à inventer un « plat nouveau » qui portera leur nom. Quelques uns sont parvenus jusqu’à nous, mais bien peu de convives connaissent l’illustre personnage qui présida à la naissance du » gigot à la Mailly » ou des « cailles à la Duxelles »…
Les historiens n’ont pas fait la part belle au Régent ni à Louis XV. Il faut pourtant rappeler que l’un et l’autre ont donné à la France dix-huit années de paix qui la guériront partiellement de soixante ans de guerre. Les petits soupers fins et les favorites masquent une réalité bien plus noble. Car ces souverains sont de grands travailleurs. Le souci de la France prime tout autre soin. Mais parce qu’ils sont humains et d’humeur joviale, leur époque est marquée des mêmes qualités. Ce ne sont point celles qui font les grands règnes aux yeux de l’histoire, laquelle ne retient que les dates des batailles ou les clauses des traités.
Cris de Paris à la fin du règne de Louis XIV
à suivre…
Source : La Fabuleuse Histoire de la Cuisine Française d’Henriette Parienté et Geneviève de Ternant, et Festins de tous les temps.