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On peut dire du XX° siècle qu’il est le siècle qui bouge dans tous les domaines. Déjà le premier wagon-restaurant est intégré dans le train Paris-Vienne le 10 octobre 1882 et nul n’a oublié le fameux Orient-Express inauguré le 5 juin 1883, bientôt immortalisé par les romans de Paul Morand. La gastronomie ferroviaire emporte jusqu’à Constantinople le renom de la France.
Les paquebots à leur tour emmènent de nombreux passagers de plus en plus exigeants. La grande épopée de notre temps est l’avion parce qu’il permet aux Français de connaître les autres pays, leurs coutumes et leur cuisine et de se familiariser avec les goûts d’ailleurs. A tous points de vue la période de l’entre-deux-guerres apporte des événements considérables que les Français chez eux, vivent sans s’en rendre compte.
Dans cette époque charnière,, le repas-orgueil, le repas-ostentation n’est plus l’apanage d’un petit nombre de nobles ou de privilégiés, comme il le fut aux siècles précédents ; devenus d’abord le signe d’une classe sociale, enrichie récemment, souvent pendant les guerres ou les bouleversements sociaux, cette classe croit entrer en aristocratie en imitant les moins bonnes habitudes, des bourgeois, héritiers de leurs lointains et aventureux ancêtres. De là naît la notion de » snob » dont l’origine controversée serait » sine nobilitas « . Mais comme l’usage affine le goût, il se crée une sorte de noblesse de fourchette, une aristocratie de la gastronomie réelle et agissante, qui fait beaucoup pour promouvoir cette charmante science dans les milieux nouvellement acquis aux possibilités du plaisir.
Curieusement les dîners d’affaire sont pour beaucoup dans cette promotion de la cuisine au rang d’art d’agrément, du moins pour ceux qui la dégustent, sinon pour ceux qui la font. Les dîners privés, ou la maîtresse de maison veille au bien-être de ses hôtes, demandent un personnel à demeure ou occasionnel, important et onéreux. Ils seront cependant la règle jusqu’à la seconde guerre mondiale.
Entre 1919 et 1939, la cuisinière remplace dans les maisons bourgeoises, le chef qui régnait dans les grande maisons d’autrefois. Mis à part le valet en gilet rayé, protagoniste obligé des comédies de Feydeau, le personnel se féminise, soubrette ou souillon, peut-être parce que beaucoup d’hommes sont morts à la guerre ou parce que d’autres tâches les mobilisent et d’autres espoirs aussi dans les terres lointaines.
L’entre-deux-guerres est aussi la grande époque des » mères « , la Mère Poulard, la Mère Blanc, la Mère Fillioux ; les gourmets vont dans leur restaurant pour déguster les spécialités qui assurent leur réputation. La littérature gastronomique rejoint la littérature vagabonde et s’allie à elle : on fait des kilomètres pour s’arrêter en telle ou telle auberge réputée. Le train se familiarise de plus en plus de gens avec les horizons qui leur semblaient lointains, peu d’années auparavant. L’automobile poursuit cette révolution et l’avion mettra Nice à la porte de Paris. Les affaires d’abord, la santé souvent, les loisirs enfin amènent les gens des grandes villes dans les petites stations thermales ou sur les bords de nos côtes. Ils y découvrent les joies inconnues du soleil et de la mer et leur appétit s’éveille. Ils trouvent ou retrouvent les goûts des produits de terroir et cherchent ensuite, revenus en ville, ces mêmes produits. Des boutiques s’ouvrent dans les villes qui proposent les primeurs, les légumes frais hors saison, les fruits exotiques. Grâce aux camions rapides, cette production arrive sur les marchés à des prix élevés certes, mais dans un état de fraîcheur inimaginable pour les générations précédentes… Ce progrès semble de plus en plus naturel.
La préparation du canard au sang à la Tour d’Argent par Frédéric.
à suivre …
La fabuleuse histoire de la cuisine Française d’Henriette Parienté et Geneviève de Ternant. O.D.I.L.