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Un peu en avance, cause vacances jusqu’au 30.
Vie de San Diego de Alcala. Détail : les enfants pauvres mangent des pommes de terre. Peinture de Murillo. XVII ° siècle.
Le 25 août 1785, une grande réception a lieu à Versailles pour la fête de Louis XVI. Tout ce que la France compte de notabilités a été invité. Le roi se montre touché des nombreuses marques de sympathie de ses courtisans. Soudain un homme se fraie un passage jusqu’au souverain. Il tient à bout de bras, au-dessus des têtes, un bouquet de petites fleurs mauves. Parvenu devant le roi, il esquisse une révérence et lui tend les fleurs :
» Sire, dit-il, je viens vous offrir un bouquet digne de vous et je ne pense pas qu’aucun de ceux qu’on vous présentera aujourd’hui soit plus agréable à Votre Majesté… »
Le roi prend le bouquet et le contemple avec curiosité. Puis il dit en souriant :
» Monsieur Parmentier, des hommes tels que vous ne se récompensent pas avec de l’argent. Il y a une monnaie plus digne de leur cœur ! Donnez-moi la main, et venez embrasser la reine… »
Les paroles sont historiques ; la pomme de terre vient de recevoir ses lettres de noblesse.
Le roi prend une des fleurs et la tend à Marie-Antoinette qui l’agrafe à son corsage. Lui-même en place une à Parmentier qui s’écrit :
» Sire, désormais, la famine est impossible « .
Dès le lendemain tous les gens de la Cour veulent arborer eux aussi la fleur de pomme de terre. Certains vont jusqu’à en payer une 10 louis.
Pour Parmentier la pomme de terre est exclusivement liée à la notion de pain et de farine et à celle de lutte contre la disette. En 1789 il publie enfin son grand ouvrage : » Traité sur la culture et les usages de la pomme de terre, de la patate et du topinambour « .
On lit dans sa préface :
» Les tubercules de cette plante ont l’avantage de braver les effets destructeurs de la grêle, de remplacer en substance le pain, d’entrer dans sa composition quelque soit leur état, gelées ou germées, et d’épargner sur la consommation de farine lorsqu’un évènement extraordinaire a rendu cette dernière rare et chère. » Et il souhaite » Voir les vignerons, au lieu de se nourrir d’un pain grossier composé d’orge, de sarrasin et de criblure où l’ivraie domine, mettre au pied de leurs vignes, des pommes de terre et se ménager ainsi un genre d’alimentation qui supplée à tous les autres et peut les remplacer de la manière la plus complète dans les circonstances de disette « .
Le Roi Louis XVI remet à Parmentier le cordon de l’ordre de Saint-Michel ; des courtisans proposent de nommer la pomme de terre » Parmentiere » ; mais ce nom ne s’imposera jamais. Le nom de Parmentier survivra cependant avec un hachis, tandis que le cordon de Saint-Michel manque de conduire Parmentier à l’échafaud.
Pourtant en 1789, la disette n’est pas loin et la misère va être la plus efficace alliée de Parmentier : la pomme de terre apparaît alors sur les tables et dans les livres de cuisine dont les auteurs l’ont jusqu’à là bannie ou calomniée. Parmentier meurt le 17 décembre 1813. Trois ans plus tard, les pharmaciens français, civils et militaires, se cotisent pour élever un monument sur sa tombe au cimetière du Père Lachaise à Paris.
Chaque année, au mois d’août, des pommes de terre y fleurissent.
En dépit des efforts consentis par certains savants, la disette va sévir durement dans les années 1788/89. La pluie et les inondations, puis la sécheresse et la grêle, qui ravage la partie occidentale de la France, diminuent considérablement le rendement des récoltes. Dans certains endroits, on n’obtient en 1788 que la moitié de la récolte ordinaire, dans d’autres encore moins. Le défaut d’approvisionnement des moulins accroit la cherté du blé. Les prix augmentent considérablement après avoir gonflé de cinq cents pour cents en vingt ans. Dans tout le royaume, de pauvres gens se révoltent. A partir de 1789, les émeutes se succèdent.
La tornade révolutionnaire, qui va bientôt déferler, pouvait-elle être évitée ?
Ernest Lavisse écrit dans son » Histoire de France » :
» L’on prend à rêver de la belle et tranquille destinée qui pouvait s’ouvrir devant ce grand pays, mal gouverné, mal administré, plein de misères, mais plein de forces aussi, énergique malgré tant de difficultés et de gênes et dont le bon sens, accompagné d’un esprit de justice, préparait l’adhésion de tous aux réformes nécessaires et qui, enfin enthousiasmé d’espérance, sentait la joie d’une renaissance prochaine et saluait » l’aurore radieuse… »
On imagine aussi un roi comprenant tout l’état des choses dans leur exacte réalité, non pas seulement résigné, mais résolu aux sacrifices nécessaires… Mais ce roi eut été une rare merveille. Il lui aurait fallu plus qu’une volonté humaine pour refouler les sentiments héréditaires formés et nourris au cours de huit siècles qui avaient transformé le primitif chef féodal, guerroyant dans la banlieue de Paris en monarque absolu et superbe d’un si beau royaume… »
Source : La fabuleuse histoire de la cuisine française d’Henriette Parienté et Geneviève de Ternant.