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« L’anthropophagie », écrit-il, sévit particulièrement dans certaines régions du centre de la France, les plus déshéritées.
Sur les chemins, les forts saisissaient les faibles : ils les déchiraient, les rôtissaient et les mangeaient. « On procédait généralement par groupes. On s’en prenait plus particulièrement aux voyageurs isolés. on épargnait les paysans connus dans la région et dont la disparition aurait soulevé l’émotion.
« Il arrivait qu’on attaquât des familles entières de balladins et de jongleurs ambulants, avec leurs enfants, pour les abattre et vendre la chair à un marché voisin.
« Quelques uns présentaient à de jeunes enfants un fruit et les attiraient à l’écart pour les dévorer.
Cet affreux délire va au point que les bêtes sont plus en sureté que les hommes.
« A Tournus un marchand étala et vendit de la chair humaine pendant plusieurs mois avant d’être arrêté. A Macon, un hôtelier égorgeait la nuit ceux qui lui avait demandé asile ».
De cet époque terrible datent les légendes de »l’auberge rouge » et du « petit poucet » et la « complainte du bon Saint Nicolas ».
En trois cent ans, du IX° au XI° siècle, la famine dépeupleura l’Europe de moitié.
Le XII° siècle voit renaître une ére de calme politique et de prospérité relative. Les derniers capétiens, et en particulier Saint Louis, Philippe Le Bel et Charles Le Bel s’emploient à résorber la disette. Ils ne se « commettent pas » dans les trafics de céréales, mais sans doute sont-ils avertis des marchés clandestins passées par leurs ministres. Cependant, doucement, la famine cède du terrain.
Pour tenter de limiter la consommation, Philippe le Hardi promulgue, en 1294, une loi somptuaire qui fixe la quantité de mets qu’on servira sur les tables. elle ordonne ainsi que »nul ne donnera au grand mangier(au souper qui était encore le grand repas comme chez les Romains) que deux mets et un potage au lard, sans viande; et au petit mangier( au dîner) un mets et un entremets. Si c’est jeûne, il pourra donner deux potages aux harengs et deux mets ou bien un potage et trois mets: jamais plus de quatre plats les jours de jeûne ; jamais plus de trois les jours ordinaires.
La loi va plus loin encore: » On ne mettra en aucune écuelle qu’une manière de chair, une pièce tant seulement, ou une manière de poisson; mais elle n’entend pas que le fromage soit un met, s’il n’est en pâté, ou cuit en eau »
Du XI° au XIII° siècle, les croisades sont marquées par de grandes difficultés de ravitaillement; mais elles établissent en même temps un courant d’échanges entre l’Orient et l’Occident. Les trans ports enrichissent les cités maritimes, telles que Venise et Gènes.
La nourriture à bord des vaisseaux de transport ( gargos qui a donné cargo) jouit d’une réputation si fâcheuse que le terme de gargote en est resté aux restaurants où la chair est médiocre.
La maison du seigneur demeure presque semblable à celle du paysan, mais elle est entourée de fossés et de palissades garnies de ronces. Les spacieuses villas à la romaine ont disparu. Le seigneur, sa famille, ses domestiques vivent de ce que produit le domaine, mais l’agriculture a tant souffert du pillage et de la disette qu’elle paraît bien misérable auprès des exploitations gallo-romaines : les serfs livrent de petites quantités de céréales, des oeufs, des volailles, des porcs, les légumes: fèves, pois, choux, poireaux, raves, oignons. Les fruits: pommes et raisins. Parfois les vignes ont été épargnées ou replantées et on fait du vin. Les abeilles fournissent le miel et la cire des chandelles. Lorsque les maisons possèdent des lampes nommées calels, on s’éclaire à l’huile d’oeillette.
Les voies de communication remarquables des gallo-romains ont été ravagées: les marchandises circulent peu et mal. Les seigneurs qui possèdent plusieurs terres, préfèrent aller de l’une à l’autre et consommer les produits sur place.
La pièce essentielle est la salle. Le sol de terre battue, rarement dallé, est jonché de paille en hiver, de feuillage l’été. La table est massive et grossière; quelques coffres contre les murs. Un seul fauteuil, une sorte de cathèdre où prend place le baron, au haut bout de table. Des bancs pour les autres convives ou de simples bottes de paille que l’on couvre d’un morceau d’étoffe. La baron a devant lui une nappe. Sa femme, assise en face de lui en a une aussi. Les autres non. on ne mange à la même nappe qu’entre égaux. c’est donc un symbole très important et Bertrand Duguesclin institue une cérémonial particukier lorsqu’un chevalier a forfait à l’honneur: on l’assied à une table et on tranche la nappe de part et d’autre de son couvert; le voici retranché de la société.