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Mais la maison du Roi augmente rapidement et sous Charles V et Charles VI, le personnel s’élève à plus de 150 personnes. Tout le personnel « a bouche à la cour », c’est-à-dire y est nourri. Le temps n’est plus où toute personne ayant à faire au Roi ne peut quitter le palais sans s’être assis à table. Bien au contraire, au moment du repas, les huissiers crient » aux keus » et tous ceux qui n’ont pas bouche à la cour, doivent quitter le palais ; les huissiers s’assurent alors qu’ils n’emportent aucune victuailles.
En 1393, la maison du Roi absorbe par semaine 120 moutons, 10 bœufs, 16 veaux, 12 porcs, et par jour 600 poulailles, 400 pigeons, 50 oisons et 50 chevreaux, tandis que la maison de la Reine use par semaine 80 moutons, 12 bœufs, 12 veaux; et par jour 300 poulailles, 300 pigeons, 36 oisons et 36 chevreaux.
Au XV° siècle, Louis XI réduit considérablement le train de maison par mesure d’économie. Mais à la même époque, Charles le Téméraire tient maison royale et s’adjoint même six médecins qui lors de ses repas doivent « lui indiquer les viandes les plus profitables ».
Dans les immenses cuisines des châteaux et des couvents on voit plusieurs cheminées. Il y en a six dans le cuisine des Ducs de Bourgogne à Dijon, munies chacune de grands landiers dont la queue supporte les grosses bûches et dont la tige très haute munie de crochets pour les divers ustensiles se termine par une corbeille où les mets sont tenus au chaud.
Un chaleil à l’huile éclaire le fond de la cheminée où pend la crémaillère supportant chaudrons et marmites. Sur les côtés du foyer, sur la braise, on pose des coquemars hauts sur pieds, des braisières, des grils, des marmites et des poêles sur les trépieds de fer.
Cheminée xiv ° siècle
La cheminée, servant de rôtisserie, est munie d’une immense broche, tournée par un enfant de cuisine qui protège son visage avec un écran. A partir du XV° siècle, on emploie des chiens comme tourne-broche. Au dessous de la broche se trouve un lèche-frite dont la taille est proportionnée à la broche ; on attise le feu à l’aide d’un long tuyau. Le soufflet ne date que de la fin du moyen-âge. La plupart des ustensiles sont en fer ou en airain.
L’Ecuelle
Certains grands personnages tirent vanité d’une batterie de cuisine en argent. L’inventaire de Charles V contient : Cinq chaudrons, un laischefrite, deux poêles à queue, trois pots à sulse, une cuiller percée, un havet (croc à viande), deux grils, un trépied, une crameillée, une broche à rostir, un instrument à rostir, un instrument à rostir fourmage, le tout en argent.
Mortier
En fait de meuble on trouve dans la cuisine des tables, une armoire fermée pour les épices et le dressoir de cuisine. Le lavage des ustensiles se fait sur le cholier.
La cuisine est éclairée par les chaleils, et les torches, mais surtout par les feux de cheminée ; le maître-queux trône au milieu de la pièce:
Maître Queux
» Il doit commander, ordonner et être obey, et doit avoir une chaière entre le buffet et la cheminée pour seoir et soy reposer si besoing est, et doit estre assise icelle chaière en tel lieu qu’il puist veoir et congnoistre tout ce que l’on faict en ladicte cuisine. Et doit avoir en sa main une grande louche en bois qui luy sert à deux fins, l’une pou essayer potages et brouet, et l’autre pour chasser les enfants hors de la cuisine. »
Tel le décrit Olivier de la Marche à la cour de Bourgogne sous Charles le Hardi.
Hélas, revient la guerre, guerre civile et guerre étrangère : Armagnacs et Bourguignons, Anglais et soldats de Jeanne d’Arc tour à tour prennent et assiègent les villes dont on mure les portes difficiles à défendre; la pénurie s’installe. Des hivers rigoureux accroissent la famine. Les gens meurent de faim ; et puis ce sont les trêves. Les portes s’ouvrent sur des habitants qui vont chercher de la nourriture ou sur des chariots de provisions qui sont pris d’assaut quand ils ne sont pas volés par les « routiers » qui tuent du même coup les convoyeurs.
La guerre de cent ans fait rage, puis se calme et dans les villes où revient la sécurité, s’étale l’opulence des « nouveaux riches », ceux qui ont fait fruit, souvent en prenant de gros risques, du malheur de tous : ainsi taverniers, boulangers, bouchers, revendeurs et revenderesses, marchands d’oeufs et fromagers.
On reverra cela à l’issue de toutes les guerres!
Au XV° siècle à Paris, au temps de François Villon, on compte cependant plus de 4000 tavernes, qui vendent chaque jour plus de 700 tonneaux de vin, d’Aunis, d’Orléans, de Beaune… Une des plus achalandées tavernes de Paris est celle de la « Pomme de Pin », tenue par Maître Robin Turgis, située rue de la Juiverie. C’est là que la ville achète son vin lors des entrées royales. C’est là que François Villon se rend le plus souvent.
Un amusant monologue du temps, » Le pèlerin passant », nous permet de connaître l’itinéraire des contemporains de Villon:
» Le voyageur dès son arrivée, se rend à l’Ecu de France, mais il y dépense trop ; aussi va-t-il à l’Ecu de Bretagne, dont l’hôtesse, d’une bonne famille, n’héberge que des Bretons. Aux auberges de l’Ancre et de l’Ecu d’Alençon, il ne peut se mettre d’accord sur le prix de la pension et dirige ses pas vers le Chapeau Rouge. Cet Hôtel est l’un des meilleurs de la capitale ; il consiste en un grand logis et une grande cour et c’est un paradis terrestre. Mais il y a toujours une foule de clients qui attendent à être logés dans un coin à recoin « .
Que sert-on dans ces tavernes ?
Un monologue de clerc de taverne nous l’indique :
Pain, feu, vin et tout bon repos
Bruyt de chopines et de pots
De tasses d’argent et de vesselle
Et quand on part, on chancelle
Et parfois on est si joyeux
Que les larmes viennent aux yeux
Plus grosses que pépins de poires … »
François Villon
C’est dans ce milieu pittoresque, grouillant de vie, que Villon fait la connaissance de tous les personnages que l’on rencontre dans ses vers et que l’on peut identifier grâce aux pièces d’archives. Le Moreau, cité dans le Testament, n’est autre que le maître-juré des rôtisseurs de Paris en 1454 et Jean de Provins exerçait la profession de pâtissier. Villon n’est ni un ivrogne grossier, ni un goinfre. Il nous a laissé entre autre descriptions celle de son ami Jehan Colart :
» Comme homme bleu qui chancelle et trépigne
J’ai veu souvent quand il alloit chuchier
Et une fois il se faiet une bigne,
Bien m’en souvient à l’estal d’un bouchier ;
Meilleur pyon (buveur) pour boyre tost et tart ».
C’est cependant hors de Paris qu’il faut aller pour découvrir la plus vieille auberge de France. C’est à Rouen que l’on trouve » La Couronne ». Elle règne depuis 1343 sur la qualité et la présentation des mets. De ses fenêtres, écrit Michel Lemonnier, on vit brûler Jeanne d’Arc sur la place du Vieux Marché.
La Couronne, miraculeusement échappée au pilonnage des bombes de la guerre 39/45, est l’exemple même de la vieille maison rouennaise à colombages extérieurs, à boiseries intérieures, se tassant sur elle-même au cours des siècles.
Dans les précieuses archives de « La Couronne », issues de l’église St Sauveur à Rouen, on peut lire en latin un curieux compte de cuisine ainsi rédigé:
« Etats des revenus de la Pitancerie de Saint-Lô de Rouen au terme de Saint-Michel, en l’année LXV (1365). Paroisse St-Sauveur- 2 sols; Raoul Leprevost ».
Ainsi apprend-on que Raoul Leprevost verse aux moines de Saint-Lô, par an une rente de 2 sous, comme « maître » de la couronne.
Insérés dans le Cartulaire des Filles-Dieu de 1414, on trouve également mention d’un acte de 1345 prouvant l’existence de l’auberge de la Couronne. Plus tard, dans l’Etat des Revenus de Saint-Lô, daté de 1430-36, on constate que Cardinot ou Richard Baudry a succédé à son père Guillaume et « qu’il tiendra sa taverne pendant de longues années ». Après avoir en 1431 vu sous ses fenêtres le supplice de la pucelle, il verra en 1447 l’entrée à Rouen du Roi Charles VII
(à suivre…)