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La fabuleuse histoire de la cuisine française (suite)
Des recettes Carolingiennes
Dans la » Chronique de St-Gall », on lit » qu’en été, après le repas du milieu du jour, l’empereur prenait quelques fruits, buvait un coup, quittait ses vêtements et ses chaussures, comme il le faisait le soir pour se coucher, et se reposer de deux à trois heures » .La bienheureuse sieste des méridionnaux, a on le voit, ses lettres de noblesse.
Voici quelques recettes de cette époque:
Loirs farcis : prendre la chair d’un loir et la couper menu. Mélanger avec du poivre, cumin et des noix broyées ; bourrer les loirs de cette farce, les coudre, et les mettre au four. ou bien les cuire dans une marmitte.
Escargots au lait : prendre des escargots engraissés avec du lait . Les éponger et les essuyer. Les retirer des coquilles. les laisser un jour dans un mélange d’eau et de sel. Les frire à l’huile et les servir avec de l’olaeologarum.
Olaeologarum : se fait avec de la livèche, de la coriandre, de la rue, du bouillon, du miel et un peu d’huile. Ou bien avec du thym, de la sarriette, du poivre, du miel, du bouillon et de l’huile.
Sauce pour les langoustes et les crevettes : du poivre, de la menthe, de la rue, des noix, du miel, du vinaigre, du bouillon et du vin.
Vin aux roses : faire macérer pendant sept jours des roses dans du vin. Les enlever et en mettre d’autres à la place dans le même vin. Laisser encore macérer sept jours, filtrer le vin et au moment de le boire, y ajouter du miel. On peut faire de la même façon du vin aux violettes.
Parmi les volailles et les gibiers, le paon est roi. Nul ne sait comment il arrive à la cour du roi Charlemagne. Il apparaît pour la première fois sur sa table en l’an 800, le jour même où le pape dépose sur sa tête la couronne de l’Empereur d’Occident.
Voici la recette du paon cracheur de flammes : ne pas plumer l’oiseau, mais l’écorcher proprement. Couper et garder les pattes. farcir le paon d’épices et d’herbes aromatiques. la tête doit garder ses plumes. On l’enveloppe d’un linge afin qu’elle ne se détériore pas et on embroche l’animal. Durant la cuisson, on arrose le linge pour préserver l’aigrette. Quand le paon est jugé cuit à point, on le débroche, on lui rajuste les pattes, on ôte le linge et on arrange l’aigrette. On le pare de sa peau avec ses plumes, et on étale la queue. A ce moment, la maitresse de maison place dans le bec de l’oiseau un peu de laine imbibée de camphre et y met le feu. Le paon arrive ainsi sur la table en crachant des flammes. Il est peu probable que ce volatile insipide et coriace ait comblé les papilles gustatives de nos aïeux. Mais le paon et le faisan sont des oiseaux nobles par excellence et la société la plus raffinée de cette époque se reconnait en eux au point que le serment sur ces oiseaux lui apparaîtra bientôt comme le plus solennel.
Le verre individuel n’existe pas encore au siècle de Charlemagne. On boit dans la même coupe que l’on passe à la ronde et que les domestiques ou les jeunes filles de la maison remplacent dès qu’elle est vide.
Le pain servit à la table du monarque ou de ses proches est confectionné avec soin. Mais le pain destiné au peuple des villes et des campagnes est fait au mépris de règles les plus élémentaires de l’hygiène. Au début de l’automne 943, un mal étrange de répendra dans la région de Limoges. Des maheureux meurent dans d’atroces souffrances hurlant » je brûle » et se débattent comme des épileptiques et aussitôt leur corps devient tout noir. Le mal ne paraît pas contagieux et pourtant des villages entiers disparaissent en un seul jour. Tous ont mangé du pain dont la mie devenait noire. On appel cette épidémie de « peste », le « mal des ardents ». On croit le pain maudit. On se précipite dans les églises et on invoque la Sainte Vierge, saint Geneviève et Sainte Gertrude de Nivelles, protectrice des blés. Le mal fait plus de quarante mille victimes. Le même fléau a ressurgi naguère à Pont-Saint-Esprit, mais on avait entre temps découvert le responsable : l’ergot du seigle dû au chapignon claviceps purpurea qui élabore dans l’épi deux substances mortelles dont l’une s’attaque directement au système nerveux.
(à suivre…)