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La fabuleuse histoire de la cuisine française ( suite )
Les Français seuls savent dîner avec méthode, comme eux seuls savent composer un livre.
Châteaubriant
La table de Napoléon :
Le 14 juin 1800 à deux heures de l’après-midi, la campagne d’Italie prend bien mauvaise tournure. Les Français ont perdu deux batailles, lorsque Desaix veut en engager une troisième. Les Autrichiens, sûrs de leur victoire, envoient des estafettes triomphantes vers Vienne. Mais Bonaparte, lui a faim et veut déjeuner. L’ Intendant de bouche, fort inquiet, lui présente des excuses :
» Je crains que le repas ne soit guère à votre convenance ; les Autrichiens ont intercepté nos cantines, le beurre manque. »
Le Premier consul s’attable sans commentaire devant le poulet sauté à l’huile qu’on lui présente. Et tandis que le général Desaix est tué en remportant la victoire, » Le poulet à la Marengo » entre dans l’histoire.
En voici la recette :
» Couper un poulet en morceaux. Les faire revenir dans l’huile en donnant un peu d’avance aux cuisses plus longues à cuire. Sel, poivre, épices, bouquet garni et une poignée de champignons.
Pendant que le poulet cuit doucement, préparer, dans une autre casserole, un roux mouillé d’un bol de consommé additionné d’un verre de Madère et d’un verre de vin blanc. Ajouter en tournant, et peu à peu, l’huile dans laquelle le poulet a fricassé. Laisser cuire un moment et servir « .
Napoléon n’est pas un gourmet : Général, il expédie ses repas en dix minutes ; plus tard, il consent à y consacrer un quart d’heure.
Pourtant devenu Empereur, il songe à manger en public comme l’exigeait l’étiquette royale. Mais il y renonce, voyant là « un souvenir de la féodalité ». Après le sacre, il exige un certain cérémonial : la table de l’Empereur et de l’Impératrice est placée sur une estrade surmontée d’un dais.
Chacun d’eux a un fauteuil. On en ajoute un troisième à l’occasion pour Madame Mère. Les invités ont des chaises, même les souverains. On se rend à table en cortège : pages de service, aide de camp des cérémonies, Grand Maréchal du Palais, Grand Maître des cérémonies, l’Impératrice, son Premier Ecuyer et son Premier Chambellan, l’Empereur, le colonel général de service, Le Grand Chambellan, le Grand Ecuyer, enfin le Premier Chambellan.
Le Grand Aumônier bénit le repas. Lorsque l’Empereur demande à boire, le premier préfet du Palais verse l’eau et le vin, le grand Maréchal présente le verre à sa Majesté.
Ce décorum bouscule les habitudes de Napoléon qui aime manger à n’importe quelle heure. Il prend facilement ses déjeuners à 6 heures du matin : des oeufs sur le plat, une salade de haricots et pour le dessert, du parmesan et une ou deux olives.
Le dîner, plus copieux, est pris entre six heures du soir et deux ou trois ou même quatre heures du matin selon son travail et ses audiences.
Napoléon mange vite, avec gloutonnerie ; le plus souvent il néglige couteau et fourchette pour se servir de ses doigts ( ce qui ne choque pas tellement à l’époque : après tout Louis XIV n’est mort que depuis 90 ans ). Il trempe son pain dans la sauce, puis fait circuler le plat. Il ne connait rien aux vins et il arrive fréquemment que son valet Constant doive lui apporter des vêtements propres après le repas pour remplacer ceux qu’il vient de tacher.
Il a des caprices et des dégoûts ; ainsi il défend qu’on lui serve des haricots verts dont les fils lui donnent, dit-il, l’impression d’avoir des cheveux dans la bouche. Il réclame à son maître d’hôtel Dunan, des crépinettes et s’en régale, mais lorsqu’un mois plus tard, on lui en ressert, il renvoie le plat avec colère disant que c’est là » la cuisine de palefrenier « .
Il aime les farineux pommes de terre, haricots, lentilles et surtout les pâtes à l’italienne dont il mange une pleine assiette au moins une fois par jour. Jamais de pain. En matières de plats cuisinés, il préfère le boudin à la Richelieu ( servi sur une compote de pommes parfumée à la cannelle ), le ragoût de mouton et les quenelles. Son dessert favori est la timbale milanaise.
Il boit avec plaisir du Chambertin coupé d’eau ; jamais d’alcool ni de liqueur.
Une tasse de café termine chaque repas.
Les cuisiniers de la cour sont mal payés et ne restent pas longtemps au service de l’Empereur.
Frédéric Masson écrit :
» Après Gaillon, qui avait accompagné le général en Egypte et qui fut retraité avec le titre de » Garde de bouche » à Fontainebleau, après Danger qui avait également fait campagne en Egypte et qui avait même connu péril de mort lorsque, au retour, l’argenterie fut volée à six lieues d’Aix-en-Provence, on voit se succéder à partir de 1802, Venard de la Borde, Coulon, Farcy, Laguipière, Debray, Leconte, Heurtin, Lemoine, Ferdinand est cuisinier à l’île d’Elbe ; un nommé Dousseau est chef de cuisine pendant les cent-jours. Il y a enfin Chandelier à Saint-Hélène »
Onze chefs en 12 ans !
Un seul mérite la notoriété : Laguipière qui fait ses premières armes dans les cuisines du comte d’Estaing quand celui-ci débarque dans l’ïle de Grenade en 1773. Après avoir quitté les cuisines impériales, il passe au service de Murat qu’il accompagne à Naples, puis pendant les campagnes de Russie, il meurt gelé à Vilno au cours de la retraite de 1812. Il n’a légué aucune recette à la postérité, mais Antoine Carême affirme qu’il fut » un des plus grands praticiens de la cuisine française ».
A la décharge de Napoléon, il faut bien dire qu’il est souvent, et depuis sa jeunesse, en campagne avec ses soldats, dînant au hasard des étapes et des provisions emportées.
( à suivre le mois prochain.. )
Source : La fabuleuse histoire de la cuisine française d’Henriette Parienté et Geneviève de Ternant