L’été c’est la Provence et sa cuisine du soleil !


Notice: Trying to access array offset on value of type null in /home/recettessm/www/wp-content/plugins/contextual-related-posts/includes/content.php on line 49

Saint-Tropez? Deux cents autos de marque à partir de cinq heures, en travers du port. Cocktails, champagne sur les yachts à quai, et la nuit, sur le sable des petites criques, vous savez…

Non, je en sais pas. je ne sais vraiment pas, je connais l’autre Saint-Tropez. Il existe encore. Il existera toujours pour ceux qui se lèvent avant l’aube.

Quand mon golfe des Cannebiers dort encore, avant que son azur englouti ne remonte jusqu’à sa vague courte, j’atteins, à petit bruit de moteur et les roues couronnées de poussière blanche, la ville qui s’éveille assez tard et je gagne le port…

Cinq heures tombent du clocher, mais un chat pirate, assoupi sur la pierre grasse où l’on versera tantôt les poissons me dit qu’il n’est que quatre heures. Un chat ne saurait se tromper. La rascasse rouge, la pieuvre d’agate, la girelle à baudrier d’azur, l’affreux »ange » qui a des épaules comme un homme, la cliquetante langouste et le maquereau, miroir de l’arc en ciel, sont encore loin du vieux marché. A une demi lieue du port, je retrouve autour de ma maison, les prés salés, les cultures modestes de légumes et de fleurs, les vignes et les figuiers nourris par l’eau secrète en nappe souterraine, toute une verdure tenace, sans tache jusqu’en octobre.

De Gogolin à Collobrières, sur le beau chemin du haut, l’homme n’a guère osé suivre la forêt. A l’automne, les châtaignes mûres roulent et se perdent sur les pentes impraticables, et si l’on vous montre au loin, prisonniers des chênes-lièges refermés, les restes d’un monastère, on vous dit aussi qu’aucun ne mène plus aux ruines de l’abbaye de la Verne…

Parce que j’ai commencé de démêler, sous des parures malencontreuses, et d’aimer son maigre flanc, sa face osseuse, ce pays me montre à tout instant son véridique aspect, qu’il tient secret pour la foule. Nous aimons bien monter, à cinq ou six amis, vers Thoronet, abbaye ruinée, mi-couchée, mi-debout, submergée de végétation et qu’une écume de clématites en graines plumeuses, blanches dès le mois d’août, signale . Nous nous exclamons de plaisir devant le jet puissant de sa fontaine, brandi hors d’un étroit canal comme une torsade de verre.

Il fait bon voisiner avec la source, lui tendre un gobelet vide ou la panse d’une bouteille pleine, cependant qu’on ouvre le panier de figues violettes, qu’on débite en tranches la tarte à l’anchois…

Ne jurions-nous pas de ne pas bouger avant le lendemain, de dîner peu, de dormir sur le lit d’aiguilles? Une certaine couleur violette qui naît de l’est comme une sombre aurore nous met debout. Ce violet impossible à peindre, insinué entre le jour et la chaude nuit, met fin quotidiennement à la fête méridionale. Il se mêle dans la mer au souffre vert du couchant, il y maîtrise et éteint le cuivre liquide et rouge, il pousse hors de la plage, en troupeaux, les enfants d’acajou mouillé et les jeunes filles nues.

Dans une heure le bleu aura vaincu le violet…Dans une heure nous ne verrons plus que les feux nocturnes du paysage.

Texte extrait de Prisons et Paradis de Colette

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *