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Déjà les cuisiniers ont adopté cette innovation et vendent des sauces Nantua ou marchand de bœuf ; de cette façon, arrosés de ces sauces que l’on peut très bien faire soi-même, le plus rapide des steaks, le poisson poché le plus simple, auront un air de fête.
Cependant les hommes gardent la nostalgie des plats longuement mijotés au coin de la cuisinière à bois ; ils inventent donc un nouveau matériel qui permet de cuire à une température égale quatre heures, huit heures, toute une nuit, un plat particulièrement long à faire, c’est la « mijoteuse électrique » ! Et c’est là qu’intervient l’imagination de la cuisinière : cette daube qui a cuit en trente minutes, dans la cocotte express, le matin de bonne heure, placée dans la mijoteuse au premier cran, va prendre, tandis que la cuisinière s’est transformée en secrétaire de direction ou en vendeuse, un arôme incomparable et la famille trouve, pour le sacro-saint repas, un bœuf fondant, dans une sauce onctueuse, chaud à point.
Les appareils qui permettent de déclencher à heure fixe, et pour un temps déterminé, la cuisson des aliments ou le préchauffage du four, sont encore une aide précieuse, mais que la maîtresse de maison doit parfaitement maîtriser, ce qui d’ailleurs est aisé avec un peu d’attention et d’habitude.
Les mixeurs, broyeurs, râpeurs, remplacent les aides-ménagères et permettent de réaliser les recettes rapidement et sans fatigue. Les pâtes à tartes, à brioche, à pain ou à biscuit sont parfaitement homogènes et vite faites. Sachez cependant que rien ne remplace le tour de main et qu’une brioche, pétrie manuellement, en aérant la pâte, sera toujours plus légère que celle qui est faite uniquement à la machine.
Nous ne sommes pas loin de penser, comme nos grand-mères, qu’on y ajoute ainsi un ingrédient irrationnel que l’on achète pas et qui s’appelle l’amour.
Pendant que se produisent tous ces bouleversements techniques, des événements graves et importants surviennent pour la France.
La guerre d’Indochine amène de nombreux Français, soldats ou commerçants, vers cette région du monde et leur donne le goût de la cuisine extrême-orientale basée sur des équilibres subtils, très différents de notre cuisine traditionnelle.
A ce nouveau goût, répondra vite l’offre tant par la multiplication des restaurants chinois et vietnamiens que par celle des boutiques spécialisées dans la vente de produits orientaux. Ce processus s’accentue avec la perte de l’Indochine qui ramène en France des gens qui ont toujours vécu là-bas, Français ou Vietnamiens. La guerre d’Algérie, à son tour, fait connaître aux jeunes une partie de leur pays, où la cuisine possède une individualité propre. Les accords d’Evian et l’indépendance de l’Algérie provoquent l’exode de plus d’un million de personnes qui se trouvent dispersées dans l’hexagone français, y transportant, avec leur désespoir, leurs habitudes et leurs goûts. D’abord réticents, les Méditerranéens, puis les Parisiens se prennent d’affection pour les brochettes, et les merguez, la paella et le couscous, nourritures simples, mais épicées, qui sous-entendent une joie de vivre, un appétit d’entreprendre qui survit au déracinement et que les métropolitains confondent peut-être avec un faux parfum d’exotisme.
Peu importe, au fond, les raison ; le succès est là et la venue en masse d’immigrés des anciens départements français ne fait que confirmer la tendance.
( à suivre le mois prochain..)
Source : La Fabuleuse Histoire de la Cuisine Française d’Henriette Parienté et Geneviève de Ternant.Editions O.D.I.L