La fabuleuse histoire de la cuisine française (suite)


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Dès la mort de Charlemagne, la famine s’installe dans le Saint-Empire démembré. Elle a menacé durant son long règne, mais il l’a conjurée en interdissant, décision révolutionnaire, l’exportation du blé. Il a de surcroit, établi un tarif maximum pour le froment, l’orge ou l’avoine, empêchant les producteurs de faire des bénéfices au détriment des affamés et ordonnant aux seigneurs de veiller »que leur gens ne mourussent pas de faim ».

« Qu’on rassemble les pauvres qui, traqués par la faim, ont quitté leurs demeures. Nul n’a le droit de les maltraiter ou de les réduire en servage ; ils jouissent de la protection de l’empereur ».

 

Il instaure un impôt spécial, »l’aumône pour les affamés » auquel seront assujettis pendant 20 ans les seigneurs et le clergé. Charlemagne disparu, ceux-ci s’empressent d’abolir ces servitudes et instituent un véritable »marché noir », des denrées alimentaires de première nécessité.

De plus, l’Empereur doit faire face aux révoltes des peuples de son immense empire et à l’invasion des Avars et des Hongrois, venus de l’est et qui atteindront Nîmes et Bourges. Ces guerres incessantes épuisent le pays et empêchent le monarque de mener à bien sa politique d’unification et de progrès technique.

Après la mort de Charlemagne, son empire morcelé, ses lois sages abolies, le pays connait une immense misère lorsque survient un nouveau et terrible fléau.

Les Danois, les plus sauvages des trois peuples Vikings, décident d’écumer l’Europe occidentale. Ils tuent et incendient sur leur passage et la terreur créée, ils demandent rançon pour mettre fin à leurs crimes. L’un de leurs chefs, et cela en dit long sur leur habituelle férocité, est surnommé « l’homme aux enfants » parce qu’il ne les embrochait pas sur la pointe des lances « comme c’était la coutume parmi ses compagnons ».

Pendant 150 ans, les Normands ravagent la France presque entière et une bonne partie de l’Europe occidentale. La misère et l’insécurité sont telles que les paysans demandent protection aux nobles capables de les défendre. Echangeant « liberté contre sécurité », ils deviennent serfs de leur propre chef et ce servage librement consenti aura de bien fâcheuses conséquences sur l’agriculture. En effet chaque seigneurie comprend deux parts, « la réserve » que le seigneur fait valoir à l’aide de corvées et les « manses », terres accordées aux paysans sur lesquelles le seigneur prélève une redevance.

Or le paysan devenu serf n’a qu’un souci : celui de ne pas s’éloigner du point fortifié. Dès lors de nombreuses terres demeurent en jachère. Le seigneur ne prend plus la peine de faire mettre en valeur ses propres domaines et ne songe qu’à guerroyer. Nul ne s’occupe plus d’améliorer les méthodes de culture ni de perfectionner le matériel agricole. En de nombreux endroits, le vilain ne sait même plus réparer une charrue et revient à l’antique houe.

Il confectionne du pain en mêlant de la terre à un peu de farine; d’autres remplacent la terre par du sang de boeuf et cuisent ce mélange sur une pierre plate jusqu’à ce qu’il soit durci. Ils le découpent en galettes rondes percées d’un trou au milieu pour les suspendre. Ainsi, elles demeurent comestibles des années.

Le paysan essaie aussi de remplacer les cérales par des glands, des feuilles, des écorces ; il fait des bouillies de roseaux et de joncs. Chacun traque un gibier devenu méfiant et rare. Tout disparait même les rats et les souris. Il y a en France des hommes qui mangent de la chair humaine. Raoul Glabert, moine paillard du XI ième siècle, laisse sur ce sujet des chroniques retentissantes.

(à suivre)

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